STEFANOS TSIVOPOULOS A ATHENES

Publié le mercredi 5 décembre 2018

L’oeuvre de Stefanos Tsivopoulos sélectionnée pour représenter le pavillon grec à la dernière Biennale de Venise est exposée pour la première fois en Grèce.  A découvrir dans la fraîcheur du musée d’ art cycladique à Athènes.

History Zero, composé d’un film en trois parties et d’archives a été conçu à Athènes en quatre mois par l’artiste qui vit entre Amsterdam et New York….  Ce fut d’ailleurs le plus long séjour de Stefanos Tsivopoulos dans la capitale grecque depuis longtemps. « Le centre d’Athènes est peut-être le quartier où les effets de la crise sont le plus visibles » confiait-il à Katerina Gregos lors d’une interview durant la Biennale de Venise. Il est vrai, qu’en quelques années, le vernis des « beaux » quartiers s’est quelque peu écaillé.  Quant à la truculence de certains arrondissements populaires, elle est désormais souvent muselée par une extrême pauvreté ou encore par la drogue. Que faire, face à ces micro-séismes ramassés ? Les raconter, les stigmatiser ?

Stefanos Tsivopoulos a donc choisi de  questionner la crise en essayant de la considérer autrement, en débusquant ses angles morts, en convoquant l’imaginaire et en tricotant des ellipses. Bien que l’artiste se soit attaqué à un thème maintes fois disséqué : l’argent, sa valeur et  ce qu’il représente pour chacun, Tsivopoulos a tissé de nouvelles connections. Enrichi de documents qui éclairent la volonté de certaines communautés de créer leur propre monnaie et de pratiquer l’auto-gestion, ce film en trois périodes qui se laissent voir séparément, traite aussi, à différents égards,  de l’accumulation et de l’isolement. A commencer par cette collectionneuse d’art contemporain souffrant de solitude et de dégénérescence mentale, qui s’amuse à confectionner de joyeux bouquets en origami avec des billets de 500, 200 et 100 euros. De la couleur de l’argent.  Avant de les jeter à la poubelle telles des fleurs fanées… 

Ce seront ces gerbes de billets mises à la benne qui feront la fortune si ce n’est le bonheur, du second protagoniste, un jeune noir immigré habitué des bennes à ordure.  Pour survivre, celui-ci traine inlassablement son caddy de poubelles en no man’s land et accumule des pièces de métal afin de les les revendre. Il abandonnera son butin après cette trouvaille pour le moins surprenante.

C’est ce caddy délaissé, parfait syndrome de l’objet trouvé, qui fascinera un artiste  hyperconnecté. Dans une forme d’ errance studieuse, il shoote méthodiquement la capitale en mutation.  Ces trois épisodes, d’une grande qualité plastique et émotionnelle, sont, en quelque sorte mises en regard avec une réalité plus brutale  grâce aux archives. Stefanos Tsivopoulos ne compte pas nous apporter  la solution sur un plateau. Et c’est tant mieux. Au contraire, en égratignant poétiquement la surface d’un sujet gros comme le monde, il suggère d’autres attitudes, d’autres poses, d’autres humeurs, incite à jeter de nouveaux ponts et finit par mettre en déroute la toute puissance apparente de l’argent. Au profit de contingences qu’il faut guetter et d’un éveil nécessaire et permanent.

Stefanos Tsivopoulos est né en 1973 à Prague et vit entre Amsterdam et New York.  il est représenté en Grèce par la galerie Kalfayan.

Musée d’art cycladique, 1, Irodotou & Vassilissis Sofias. Jusqu’au 29 septembre.www.cycladic.gr