SARKIS, LE BLANC COMME UN SILENCE

Publié le mardi 4 décembre 2018

Loin du brouhaha bariolé de la ville, le blanc surgit du silence. Emblème de la lumière primordiale, écho au monde de l’au-delà, il impose ici son temps infini. C’est cette temporalité particulière de la couleur que décortique Sarkis dans sa dernière exposition « Au commencement le blanc ». Au fil d’ une trentaine de travaux souvent récents, il tisse des passerelles, jette de nouveaux ponts, marque des arrêts, tourne la tête, fouille dans sa musette afin de réinterpréter les fondamentaux.

 Texte et photos Pauline Simons

Peinture à l’huile parsemée de grains de riz et scindée par un néon isolant une image du film After satantango, un fim de Belà Tarr, 2013.

 Avec After Ice Age, une installation inspirée de l’exposition Ice Age Art, en 2013 au British Museum, Sarkis met à la lumière d’aujourd’hui les plus anciennes œuvres d’art connues façonnées à l’ère paléolithique par ces artistes venus du froid. Sans jamais museler l’histoire. Son geste appartient plus à la durée bergsonienne qu’au temps des horloges. Quand il pose la peinture matière blanche, dans des rectangles ou des cercles circonscrits, comme s’il préparait la terre, il laisse l’huile accomplir son travail dans le temps. De même, quand il s’inspire de la technique japonaise Kintsugi des XVIe et XVIIe siècles qui consistait à réparer la porcelaine brisée avec des filets d’or afin de laisser la restauration apparente, l’huile file encore et quand il trempe son pinceau dans un bol circulaire, la couleur s’étire dans la quatrième dimension. A technique méthodique, hasard sublime.

D’après Urushi 6.11.2012, huile blanc de Titane sur papier Arches 300g et or. Restauration Kintsugi exécutée par l’atelier la Voie Laquée
Scène en cuivre avec néons et deux tubes en cuivre, octobre 2012.

On tend l’oreille dans cette orchestration muette et laiteuse. En réinterprétant aussi des œuvres majeures tant dans le domaine de la peinture ( Le cri de Munch ou le Retable d’Issenheim de Grünewald) du cinéma ( Afeter Satantango de Belà Tarr) que de la musique, il ordonnance verticalité et horizontalité, avant plan et arrière plan, atonalité et harmonie et casse parfois le rythme. Ainsi il interrompant de deux mesures de cuivre une grande composition de néons qui évoque la musique dodécaphonique qui lui est chère. Avec un infini doigté. Le blanc est une couleur intransigeante.

R 10 « 8.11.2013 », huile et riz sur papier Arches, 2013

Galerie Nathalie Obadia, 18, rue du Bourg Tibourg 75004 Paris (01.53.01.99.76). jusqu’au 1er mars.