Michel Fedoroff : une figure incontournable de la scène française

Publié le mardi 4 décembre 2018

Il avait choisi de soutenir la scène française et d’encourager ses jeunes pousses. Le 28 novembre, Artcurial disperse une partie de la collection. C’est aussi sur le Point.fr

La scène artistique française fut au cœur des préoccupations de Michel Fedoroff pendant près de cinquante ans. Les cent quarante pièces de sa collection dispersées chez Artcurial couvrent généreusement les cinq dernières décennies : des années 1960 à 2010, d’Arman à Abel Abdessemed, de Martin Barré à Gérard Deschamps, en passant par Mathieu Mercier ou François Morellet. « C’est la diversité de cette collection qui en fait tout le charme », souligne Karim Hoss, expert de la vente « Disparu en 2014, Michel Fedoroff a toujours acheté ce qu’il aimait sans souci d’investissement. Alors qu’il aurait pu acquérir, à une certaine époque de sa vie, les œuvres des stars du marché, il a préféré soutenir la jeune création française. »

L’un des plus beaux bombages de Martin Barré 63-F-5. De 150 000 à 250 000 €.

Fils d’immigrés russes, Michel Fedoroff, qui n’était pas né dans le sérail, fut pourtant très vite fasciné par les paysages de Van Gogh et de Pissaro tout en déplorant déjà la précarité de leur existence. Dès qu’il en eut les moyens, ce self made man, qui devint le patron de Mood Music, préféra les artistes vivants à ceux du XIXème siècle. Car il avait une passion pour l’art mais aussi pour les artistes et certains de leurs représentants : il appréciait la compagnie et les conseils d’une poignée de galeristes aux quels il fut fidèle… Catherine Issert et Jean Ferrero dans le sud de la France, Anne de Villepoix et Hervé Loevenbruck à Paris. « Très rapidement, je m’aperçus que la collection était pour toi une aventure éminemment, profondément humaine », note ce dernier dans la préface du catalogue.

The Big One World, 2000, de Bruno Peinado. De 40 000 à 60 000 €.

Au cours de la seconde partie de sa vie de collectionneur, cet esthète, curieux de son époque, n’hésita pas à se séparer de travaux d’artistes déjà très cotés –notamment d’un dessin clé dans l’œuvre de Roy Lichtenstein- afin d’acquérir et parfois de produire des pièces d’artistes qui n’en étaient qu’aux balbutiements de leur pratique. « Quand j’achetais César ou Arman, cela ne changeait pas leur vie, les jeunes quand je les produis cela change tout pour eux », se plaisait à souligner ce collectionneur un peu « fou » qui, en 1996, fit l’acquisition d’un vaste domaine sur la commune de Bargemon dans le Var afin d’y poser ses « baraques » : autant d’espaces d’expositions qui n’abritaient parfois qu’une seule oeuvre ponctués de lieux d’accueil pour les artistes.

Parmi les jeunes pousses que Michel Fedoroff a soutenu, sept d’entre eux ont, ensuite, remporté le prix Marcel Duchamp organisé par l’ADIAF (Association pour la Diffusion Internationale de l’Art Français). Dans la vente, nombre d’œuvres ont souvent été acquises avant leur « consécration » : le Moucharabieh de Kader Attia, lauréat 2016 (de 60 000 à 80 000€), Still untitled, un petit collage sur bois peint de Mathieu Mercier (de 2 000 à 3 000 €), National shake, pièce de vêtements cousus de Saâdane Atif (de 3 000 à 5 000 €), Mason massacre, sculpture en marbre du duo Dewar & Gickel (de 60 000 à 80 000 €) , Un couché de soldats unis contre le motif, tempera sur papier de Philippe Mayaux (de 8 000 à 12 000 €)…

Mason Massacre, 2008, Marbre de Dewar & Gicquel. De 40 000 à 60 000€.

« Beaucoup de ces jeunes artistes sont encore peu présents sur le second marché », poursuit Karim Hoss. « Bien que nos estimations soient inférieures aux prix pratiqués en galerie, nous les avons travaillé de manière cohérente. La vente publique a l’avantage de donner à ces jeunes artistes une visibilité différente de celles des institutions ou des galeries et l’ensemble qui couvre différentes périodes et mouvements de l’histoire de l’art va aussi nous permettre de toucher un public très divers : plutôt franco-français pour les nouveaux réalistes et l’école de Nice et plus international pour des œuvres comme le « bombage » de Martin Barré (de 150 000 à 250 000 €) ou les toiles de Roman Opalka, un artiste qui fut longtemps inclassable » Michel Fedoroff aimait vivre en compagnie d’œuvres singulières mais aussi radicales. Le Bibendum noir à la coupe de cheveux afro de Bruno Peinado (The Big One World, de 25 000 à 35 000 €) n’est-il pas devenu une image iconique des luttes antilibérales ?

Lundi 28 novembre à 20 h. Artcurial, 7, Rond-point des Champs Elysées 75008 Paris. www.artcurial.com