Pour la première fois dans la capitale française, un salon exclusivement dédié à l’art contemporain africain a ouvert ses portes au Carreau du Temple. Jusqu’à ce soir.
En 2015, les attentats du 13 novembre suivis par ceux de Bamako avaient conduit à l’annulation de la première édition de la foire AKAA (Also Known As Africa), premier salon français dédié à l’art contemporain africain. Cette suite d’événements tragiques n’a pas découragé Victoria Mann, sa fondatrice, jeune trentenaire franco-américaine. Son projet ? mettre en lumière « une Afrique plurielle et sans frontières ».

Contrairement à 1:54, sa concurrente londonienne, AKAA présente l’Afrique dans sa globalité convoquant ainsi des artistes du continent ou issus de la diaspora mais également des créateurs étrangers inspirés par cette partie du monde dont la diversité des cultures et des rites constitue un formidable terreau. N’oublions pas que c’est en France qu’est né, grâce aux cubistes et aux surréalistes, l’intérêt pour les bois noirs. Pour ce qui est de l’art d’aujourd’hui, on se souvient combien les Magiciens de la terre (1989), événement pionnier, avait surpris le monde de l’art contemporain occidental peu habitué à regarder au-delà de l’Europe et de l’Afrique du Nord. Aujourd’hui, le succès des expositions comme Lumières d’Afrique (palais de Chaillot) et Beauté Congo (Fondation Cartier) et, plus près de nous la formidable rétrospective Seydou Seita au Grand Palais est significatif du chemin parcouru. Sur le continent africain, malgré l’intérêt encore poussif d’une classe possédante préférant investir, en premier lieu, sur ce qui brille, les initiatives ont fleuri ça et là : tant au niveau des institutions privées (Fondation Zinsou, la fondation Donwahi, Bandjoun Station) que des manifestations (rencontres de Bamako, biennale de Dakar, de Marrakech, triennale de Luanda).
En occident, les artistes de certains pays comme l’Afrique du sud sont plus visibles grâce à leur histoire et à des structures organisées et le marché fait encore la part belle à une petite poignée de créateurs. Mais les choses évoluent grâce à la scène émergente. «Les jeunes générations africaines sont hyper connectés et très au fait de ce qui se passe dans leur pays mais aussi ailleurs », précise la galeriste Dominique Fiat.

La foire devrait ainsi contribuer à donner plus de visibilité et plus de moyens à des artistes peu présents sur les grandes foires internationales et à structurer un marché encore balbutiant. « Il ne faut pas oublier que c’est un marché de niche qui se construit petit à petit dans une époque fragile mais qui pour les collectionneurs offre une certaine fraîcheur. En mars prochain, je vais inaugurer Africa Aperta, un projet pluridisciplinaire à la Villette. Cela aurait été totalement impossible à monter, il y a quatre ans », poursuit Dominique Fiat.


Parmi les trente galeries sélectionnées par un comité international, treize sont africaines. « Certes, cela implique de gros investissements », précise Nadia Amor, directrice de l’Atelier 21, galerie casablancaise qui expose exclusivement les artistes marocains dont certains comme Safâa Erruas sont déjà un peu connus. « Bien que notre galerie ait gagné les institutions et collectionneurs locaux, nous avons pris récemment conscience de la nécessité de participer à des foires internationales. Cela fait désormais partie de nos projets. » Un choix que partage de toutes jeunes enseignes -la galerie Hazard de Johannesburg, la Circle Art Gallery de Nairobi ou encore Addis Fine Art à Addis-Abeba… comme certaines maisons confirmées : présentée par October Gallery, la pionnière londonienne, une installation monumentale de l’artiste algérien Rachid Koraïchi, accueille le visiteur.


Actualité oblige, la photo est très présente sur de nombreux stands : des tirages de Gilles Carron, photographe et reporter de guerre français disparu en 1970 à l’âge de trente ans sur une route entre le Cambodge et le Vietnam (School Gallery/Olivier Castaing) à ceux très récents du burkinabé Siaka Soppo Traoré (Galerie MAM), lauréat du prix Orange de l’artiste numérique. Par ailleurs, la peinture est aussi le fer de lance de certaines enseignes comme Artco, Ed Cross Fine Art ou Polysémie, une galerie marseillaise qui met en lumière tous les « outsiders » tandis que quelques galeries valorisent la troisième dimension : 50 Golborne met ainsi en lumière la sculpture-design ayant trait à l’identité.
D’une manière générale, beaucoup d’œuvres sont abordables, esthétiquement et financièrement. Cela valait aussi pour Londres où le marché est plus nerveux qu’à Paris : les prix pratiqués sur la foire 1:54 dépassaient rarement les 10 000 euros.
Souhaitons toutefois que cette nouvelle effervescence n’engendre pas de bulle financière. Souvenez vous de la Chine.

Et pour ceux qui souhaiteraient acquérir des œuvres de la scène africaine via le second marché, la maison Piasa propose le 17 novembre un focus sur les artistes femmes : de Ghada Amer à Nnenna Okore.
AKAA, du 11 au 13 novembre, samedi de 11 h à 20 h et dimanche de 11 h à 18 h. Carreau du Temple, 4, rue Eugène Spuller, 75003 Paris, http://akaafair.com
Origines et trajectoires le 17 novembre à 16 h. PIASA 118, rue du faubourg saint-honoré 75008 Paris www.piasa.fr