ENTREZ DANS LA DANSE

Publié le vendredi 30 novembre 2018

Comme chaque été depuis 2009, les anciens abattoirs d’Hydra se plient à l’art contemporain. De manière ludique et inattendue avec the secret of the Phaistos Disc, l’oeuvre de Pawel Althamer.   

On nous a si bien appris la mise à distance et les tours de piste qu’il est parfois encore difficile d’entrer dans la danse même si on nous y invite. Le public est habitué aux musées sanctuaires. Et pourtant comme l’année dernière, dans les anciens abattoirs d’Hydra, lieu dédié à l’art contemporain depuis 2009, la Fondation Deste et Dakis Ioannou, son fondateur, lézardent les habitudes en proposant des expositions interactives. En 2013, Urs Fisher avait convié promeneurs, touristes, insulaires, enfants et grandes personnes à pétrir la terre en bord de mer et à créer des objets in situ qui vivaient leur vie sous le soleil. 

Cette année, c’est Pawel Althamer qui a été invité à prendre possession de ce lieu singulier qui lui va comme un gant. L’artiste polonais est en effet coutumier des convocations anti-conformistes.  Souvenez-vous. Déjà, en 2003, il avait demandé à des immigrants polonais de détruire l’espace de la Wrong Gallery de New York afin de la reconstruire à l’identique : un geste audacieux qui égratignait la sacro-sainte autorité artistique. De la même manière, à Berlin, il avait transformé le « white cube » de la galerie Neugerriemschneider en un lieu désolé et vide, rappelant son état originel, après la chute du Mur et avant l’embourgeoisement du quartier. 

Dans cet espace confiné mais chargé, Pawel Althamer incite ici les visiteurs  à chambouler son installation selon leur inspiration ou leur humeur. Ere de jeu, scène d’un théâtre miniature, happening ?  Jalonnée de figurines articulées et amies ainsi que d’objets familiers à différentes échelles, l’oeuvre de l’artiste, conglomérat de sculpture et de performance, incite à faire le point : sur la famille, sur le caractère des relations humaines, sur les structures sociales et plus largement sur cette« famille universelle » qui peuple la cité. Ce sont les enfants de l’artiste qui, lors du vernissage, ont été les protagonistes de l’ installation : ils ont recomposé à l’envi les scènes d’un quotidien un peu baroque où siège le disque de Phaistos, l’un des plus grands mystères de la cryptologie. En greffant ici une mobilité participative, Althamer repousse encore les limites de la sculpture.

Inutile de préciser que les jeunes visiteurs ont trituré à foison cet espace de liberté. Les adultes sont en général plus circonspects. Bien que cela ne tombe pas sous le sens, certains n’hésitent pas toutefois à plancher sur le fameux disque de Phaistos, relique de terre cuite de la civilisation minoenne, et à imaginer in situ autour de ces mystérieuses hiéroglyphes d’autres graphismes à coups de crayons et de couleurs. Au coeur de l’été, tout ici fait appel d’air.

Slaughterhouse, Hydra. Jusqu’au 29 septembre. www.deste.gr