L’ancien abattoir (The slaughterhouse) qui, autrefois, bavait du rouge dans la mer Egée est, depuis 2008, l’un des lieux arty de l’île d’ Hydra grâce à la Deste Foundation et au collectionneur Dakis Ioannou, son président. Ce petit espace, toujours dans son jus, a gardé une électricité qui gratte encore aux entournures : les stalles où patientaient les bêtes, les crochets et cordes où elles se balançaient, les murs négligés… Tout est là.
Cette année, Dakis Ioannou avait invité Urs Fisher (né en 1973), l’artiste le plus décoiffant de la jeune garde suisse qui s’est très vite imposé sur la scène internationale égrenant depuis dix ans les solos shows dans les grands musées occidentaux (Centre Pompidou à Paris, New Museum de New York, Kunst Halle de Vienne, MoCa de Los Angeles) L’été dernier, François Pinault l’avait accueilli au Palazzo Grassi tel un prince.
L’exposition hydriote, qui s’est achevée à la fin du mois de septembre, n’en était pas vraiment une. Urs Fisher était sorti des clous. Celui qui malaxe à l’envi le temps proustien, les métamorphoses et les seconds degrés, n’a jamais habitué son public à une œuvre figée. Souvenez-vous de sa « Bread House » (2004-2005), ce chalet alpin construit en pain ou encore de « If the phones ring » (2003), ces nus de cire grandeur nature se consumant le temps d’une exposition. Dans l’abattoir d’Hydra, ce « passeur » romanesque a imposé une relecture du lieu. En boucle. Reprenant le concept de « Yes » qu’il avait expérimenté en début d’année au MoCa à Los Angeles, l’artiste avait convié promeneurs, touristes, insulaires, enfants et grandes personnes à pétrir la terre en bord de mer et à créer des objets in situ. Les hydriotes avaient d’ailleurs vu avec effarement, des sacs de glaise livrées par tonnes au début de l’été!- L’oeuvre de l’artiste suisse fut ainsi vécue comme une performance collective où chacun mettait la main à la pâte. A la fin de l’été, le lieu ressemblait à un champ de ruines où les volontaires continuaient de s’affairer : craquelées par le soleil, chahutées par le vent, morcelées tels des objets de fouille, les sculptures les plus anciennes tapissaient le site tandis qu’on modèlait encore la glaise à tour de bras. A la fin de l’exposition, la terre est retournée à la terre. Tout est vanité. Un genre historique qu’ Urs Fischer aime particulièrement dorloter.
photos Pauline Simons