EVAN ROTH : HACKER EST UN ART

Publié le mercredi 28 novembre 2018

Si vous aimez la philosophie hacker, ne ratez pas le premier solo show d’ Evan Roth à la XPO gallery, une adresse parisienne dédiée à l’art virtuel qu’HYam suit de près. Désossage en règle.

Par Pauline Simons

Evan Roth est né en 1978, il est américain et bizarrement vit à Paris, une mégapole où l’art numérique est encore balbutiant.

Depuis presque une dizaine d’années, ce trublion rebat les cartes et tresse des ponts bien réels entre l’art et ces nouvelles technologies qui font aujourd’hui partie de notre culture et de notre quotidien. sdf sdfsdsfsf « Evan Roth est un hacker Pop qui récupère les phénomènes de masse, les extirpe du net afin de se les réapproprier réalisant ainsi une sorte d’archivage du règne numérique. Son oeuvre se définit moins par le medium et le genres utilisés que par la proportion de références populaires qu’elle contient. », explique Philippe Riss à la tête d’XPOgallery. De la toile à la galerie. L’artiste américain n’est pas un inconnu. Ses œuvres sont déjà dans les collections du Musée d’Art moderne de New York. Co-fondateur du Graffiti Design Lab, il dirige également le Free Art and Technology Lab, collectif d’artistes qui a mis au point Eye writer. Ce dipositif imaginé pour Temptone, un graffeur paralysé, lui a permis de tagger avec le seul mouvement des yeux. En 2010, cette création leur a valu le Brit insurance Award, oscar du design interactif. Philippe Riss nous donne ici les clefs de quatre œuvres qui figurent dans l’exposition « View in room ». Indispensables pour flirter avec l’art numérique et découvrir les ressorts des nouvelles technologies.

View in room

Cette œuvre a donné son titre à l’exposition. Elle peut sembler banale. On y voit la photo d’un banc parfaitement cadré dans un musée vide. Cette image a été piquée sur le site Artsy, leader américain de ventes d’oeuvres d’art en ligne qui propose aux futurs acquéreurs de visualiser et, en quelque sorte, de mettre en scène l’objet de leur désir dans un espace réel. Et, de fait, cela sonne faux. Evan Roth, fan drolatique du détournement a tout simplement capturé puis récupéré le visuel afin de l’accrocher au mur de la galerie, lui donnant ainsi le statut d’oeuvre d’art. Un ready made post Duchamp.

 

Multi-touch painting, Level cleared

Vous êtes fans d’Angry Birds, ce jeu vidéo totalement addictif qui a déjà dépassé le milliard de téléchargements et vous pouvez passer des heures à tenter de neutraliser ces vilains cochons verts qui piquent les œufs des oiseaux. Evan Roth s’est penché sur le sujet. Il s’est amusé à découper des feuilles de calque au format d’un écran iphone, a trempé ses doigts dans l’encre afin de garder sur le papier les traces nerveuses et serpentines spécifiques à ce jeu d’adresse. Soit deux mille archives de tous ces gestes digitaux épinglées sur un mur sur plus de douze mètres de long. Pour une œuvre conceptuelle en apparence et esthétique en diable.

Portrait of Katsu

Ce portrait est un peu particulier. Il représente la matérialisation du geste d’un graffeur en train de dessiner une tête de mort. Evan Roth a créé un logiciel qui numérise tous les mouvements en 3D grâce au quel il peut retranscrire le graffiti dans un espace temps. Ce geste de la rue, rapide et dansant, est ici fixé dans le bronze, un matériau toujours arrimé, dans l’inconscient collectif, à l’histoire de la sculpture. En mettant en avant un côté traditionnel, presque décoratif, l’artiste ne s’amuse-t-il pas à revisiter l’histoire de l’art.

Observing-user-achievement.com

Il s’agit ici encore de récupération. Evan Roth a pris possession d’ un Gif animé, composition délibérément hypnotisante et accessible sur la toile. Le collectionneur qui fera l’acquisition de cette œuvre deviendra propriétaire du nom de domaine et conservateur de celui-ci tandis que le Gif sera encore visible par tous les internautes. L’artiste apporte ici une réflexion sur les droits d’auteur des nouveaux médias artistiques et examine ainsi la possibilité de nouveaux modèles économiques.

View in Room, jusqu’au 16 novembre. Xpogallery, 17, rue Notre-Dame de Nazareth 75003 Paris. Du mercredi au vendredi de 14 h à 19 h et sur rendez-vous (09.66.84.37.55)